Corneille P.
 
 
 

action
Les défaites des âmes ataviques passent inaperçues, tandis que les défaites des bras ou des têtes sont toujours bien compréhensibles et leurs conséquences - bien lisibles. Jamais le muscle et la cervelle ne furent aussi solidaires. On ne sait plus, sur qui tombe la punition de jadis : « Quand le bras a failli, l'on en punit la tête » - Corneille. Quand l'âme innocente a réussi, l'on en félicite, hélas, les deux arrogants complices.
âme,défaite,force,fraternité,raison

amour
Toute passion, tout rêve, finit, tôt ou tard, par être rejoint par la raison condescendante. L'amour paraît être le sentiment livrant la résistance la plus longue à ce compromis. « Plus la raison l'attaque, et plus il se roidit ; plus elle l'intimide et plus il s'enhardit » - Corneille - et tout cela pour finir par capituler devant un cÅ“ur sans raison.
cœur,défaite,raison

art
De Sophocle à Corneille, en passant par Shakespeare, la tragédie suivait la recette aristotélicienne – se traduire par l’action et non pas par le récit. Seul Tchékhov dépassa – en hauteur ! - cette vision bien primitive, l’illusion d’une profondeur événementielle ; il devina (inconsciemment !) la grande tragédie dans l’impermanence, la vulnérabilité ou l’extinction des plus beaux états d’âme, de ceux d’un amoureux, d’un artiste, d’un rêveur – bref, non pas d’un acteur mais d’un spectateur. Il faudrait peut-être ne pas oublier L.Sterne : « La plus délicieuse de nos jouissances s’achèvera dans la terreur »* - « The loveliest of our pleasures ends with a shudder ».
action,âme,amour,création,discursif,hauteur,rêve,tragédie

cité
Dès qu'une ochlocratie s'installe, de tous les outils de pouvoir c'est l'outil patibulaire qui sert le mieux la nouvelle justice. « Le pire des États, c'est l'état populaire » - Corneille - tandis que le boutiquier, dont le pouvoir il faut appeler de nos vÅ“ux, n'a besoin que d'un seul outil, l'argent, qui ne blesse que des épidermes sensibles à l'abject.
argent,bassesse,création,justice,mouton

cité
La fidélité à une noble faiblesse et le sacrifice d'une force immonde – telles sont les contraintes, qui testent ta liberté intérieure. Quant à l'extérieure : « La liberté n’est rien quand tout le monde est libre » - Corneille.
bassesse,contrainte,force,liberté,noblesse,sacrifice

cité
Dans l’immense majorité des cas, les actes de bravoure ou de grandeur politique sont fruits de l’imagination gratuite des tragédiens ou des commentateurs (la naissance de poèmes suit la même trajectoire). Corneille appelait ses tragédies - comédies héroïques, Tchékhov aurait dû appeler les siennes – comédies fatidiques.
grandeur,poésie,tragédie

doute
La virtuosité du jeu à l'aveugle et les cerveaux électroniques nous font faire, aujourd'hui, de bien belles économies, en matière d'éclairage, même si « le jeu n'en vaut pas les chandelles » (Corneille) - dans des jeux minables.
jeu,platitude,robot

ironie
Il n'y a que ton étoile qui peut te combler aussi bien par une lumière, qui te fait ouvrir les yeux, et par des ténèbres, qui te les font fermer au bon moment. « Cette obscure clarté, qui tombe des étoiles » - Corneille. Rebondissant en obscurité ostentatoire (telles les valeurs somptuaires valéryennes, opposées aux valeurs fiduciaires) et remontant au ciel. L'état d'âme embue l'Å“il, l'état d'esprit le dissipe et dessèche. « Dieu, ce mot ténébreux, gonflé de clarté » - Hugo.
âme,axe,dieu,doute,esprit,étoile,ombre,regard

ironie
Nos meilleurs jugements sont intuitifs, c'est à dire prononcés sans qu'un ensemble de conflit complet soit formé. Pour arriver à une résolution déductive ou autoritaire, il faut de l'audace, puisque je m'avoue trop bête pour ne faire confiance qu'à ma sagesse, qui est toujours intuitive. « Devine si tu peux, et choisis si tu oses » - Corneille. L'audace semble être le lot du genre humain, calculateur et sobre. La voyance - celui des sages, ivres et désemparés.
audace,défaite,force,intelligence,intensité,philosophie,raison,regard

mot
Sénèque et J.Racine écrivent pour la déclamation, Shakespeare et Corneille - pour la lecture ; Molière et Tchékhov - pour la scène. Les métaphores déclamatoires ou livresques ont l'univers entier pour source ou cible, les métaphores scéniques - le hasard des planches.
flèche,jeu,métaphore,vie

solitude
Les meneurs et les menés sont aujourd'hui d'égale quiétude d'âme. Fini le temps, où « l'on allait d'un pas plus ferme à suivre qu'à conduire » - Corneille. Ici, on savait, que le chemin fût imprévisible ; là, on se désintéressait de toute droiture. À l'avant, je donne mes mots pionniers, à l'arrière - je marche dans les ornières des idées, creusées par les autres. Dans les deux cas, je ne suivrai plus mon étoile, mais le souci commun.
angoisse,auteur,chemin,idée,mot,mouton

souffrance
Si l'on farcit une pièce tragique avec des renvois aux concepts pompeux, cérémonieux et abstraits – la gloire, le péché, la grandeur – on obtient du Racine ou du Corneille, qui inspiraient à Valéry « le dégoût de ces confusions entre la mystagogie, la falsification du rêve » - la plus dégoûtante des falsifications étant le langage conventionnel, monotone, évident, clanique, codifié. Toute vraie tragédie doit pouvoir se dérouler sur une île déserte, dans la conscience d'un homme solitaire, et ne rien devoir aux chutes des ambitions ou aux manigances des méchants ; de la poésie ou de la compassion, c'est ce qu'on trouve chez Shakespeare ou Tchékhov.
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Corneille P.